25.5.11

Pétition : La Goutte de trop

Depuis presque 10 ans les riverains de la Goutte d’OR – habitants et commerçants – alertent les pouvoirs publics municipaux et préfectoraux sur des actes violents et récurrents d’atteinte à la personne commis dans notre quartier. Certains riverains portent plainte mais beaucoup d’autres, en contact direct et quotidien avec leurs agresseurs, se taisent par crainte de représailles. Cette violence est le fait de bandes dont certaines sont organisées, qui vivent de trafics  et s’étoffent continuellement d’une jeunesse en déshérence, désocialisée et déscolarisée.
Il est indiscutable que pendant toutes ces années les autorités publiques concernées n’ont pas pris ou pas voulu prendre la mesure de la gravité du phénomène. D’où les atermoiements, voire les reculades ou les faux semblants de ces autorités qui ont eu pour conséquence de laisser les habitants dans un face à face dangereux avec une délinquance grandissante et de tout âge.
Laissés à eux-mêmes et vivant leurs méfaits dans un sentiment de toute puissance voire d’impunité, les membres de ces bandes ne craignaient déjà plus d’agresser en plein jour un passant pour le dépouiller ou simplement au motif d’un regard de travers. La dernière agression recensée a eu lieu en pleine après-midi devant l’église Saint-bernard sur une personne  très connue et respectée pour son travail et son attachement au quartier. C’est trop, la goutte de trop, l’agression de trop.
Nous exigeons des pouvoirs publics – Etat et municipalité - qu’ils prennent toutes leurs responsabilités pour assurer la paix et la sécurité à  leurs administrés et électeurs.

4.12.10

Position de Monsieur Vaillant sur les salles de shoot et le quartier

Lors de la réunion de bilan de mandature du Maire de Paris monsieur Daniel VAILLANT a affirmé publiquement ainsi que par un écrit que :
1 - Les salles de shoot ne devraient pas se situer dans un micro quartier mais sur une artère et de préférence à la frontière de deux arrondissements
2 - le crack, la plus néfaste des drogues dures, ne devrait pas entrer dans les compétences de ces salles et qu'un dispositif spécifique devra être trouvé pour les consommateurs dépendants de cette drogue
3 - La structure EGO sera déplacée sur le boulevard de La Chapelle quand la construction de ses futurs locaux sera achevée, ces travaux ayant commencé.

Nous en prenons acte bien volontiers.

Ces réponses sur ces sujets nous inspirent les remarques suivantes :
1 - Nous réaffirmons que les pouvoirs publics s'ils persistaient à vouloir mettre en place des salles de shoot, où que ce soit, contribueraient à se rendre eux-mêmes complices de l'enfermement du toxicomane dans sa dépendance (voir lettre à monsieur Delanoë ci-dessous). Monsieur Le Guen, lui-même, ardent défenseur de ces salles parle d'une fourchette de 5% à 10% de toxicomanes "guéris" à l'occasion de la mise en œuvre de ce dispositif. On sent très bien à l'écouter qu'il n'en sait absolument rien et que c'est très loin d'être son objectif essentiel.
2 - Le déplacement annoncé d'EGO (salle de "soins") sur le boulevard de la Chapelle, s'il constitue une première avancée, pour le petit périmètre Goutte d'or Nord et Château Rouge nous incite à rester attentifs aux retombées toujours possibles sur ce quartier et sur le périmètre alentours. Et puisque la salle de shoot expérimentale devrait être sur une artère et à la frontière de deux arrondissements on peut vouloir veiller à ce qu'elle n'élise pas domicile dans le futur bâtiment où EGO sera installé.


Sur l’état du quartier et après le Conseil du 23/11/2010.
Nous avons toujours eu du mal à prendre pour argent comptant les déclarations tonitruantes et "futuristes" de la Mairie.
Le Marché des 5 continents en est un bel exemple, alésienne qui réapparait dans les discours régulièrement, surtout à l'approche des élections. L'impuissance revendiquée des pouvoirs publiques, Mairie et Police (voir tract ci-dessous) sur des problèmes comme la prostitution, les ventes à la sauvette et les lieux de deal, nous laisse rêveur quand on sait que la Mairie participe à 50% au budget des dépenses de la Préfecture pour la sécurité à Paris et qu'un "cahier des charges" est signé par les deux parties contractantes (contrat de sécurité). Si le Maire n'a pas le pouvoir de Police, il a au moins le pouvoir du commanditaire qui paye avec la ressource de nos impôts locaux un service public en charge de la sécurité des habitants et de l’ordre public de la Ville. Tout comme l'Etat, qui paye l'autre moitié avec les ressources de nos impôts nationaux, et a le pouvoir direct sur ces services publics.
Nous sommes donc vivement enclins, quand nous entendons, les deux parties, Mairie et Préfecture, Gauche et Droite, se renvoyer la balle - "c'est pas moi, c'est l'autre" - à les inviter à ne pas nous prendre pour des imbéciles et à assumer leurs responsabilités.
La vérité est que ni l'un ne l'autre ne veulent prendre les décisions politiques qui s'imposent car l'état de relégation de notre quartier où l'on accumule tous les problèmes de la capitale est colinéaire de la tranquillité assurée sur les autres quartiers plus huppés ou plus branchés de Paris.
Et la justice, à qui est renvoyé maintenant la responsabilité de cette situation, a beau dos. Si les filières sont remontées et les coupables de tous ces trafics déférés elle applique la loi sur les faits avérés, encore faut-il donner les moyens en hommes aux services chargés de rassembler ces faits. Elle devrait d’ailleurs se voir doté par le législateur de nouveau moyens juridiques notamment en classant la vente à la sauvette dans la catégorie des délits et non plus des infractions.

TRACT diffusé après le conseil de quartier du 23/11/2010

DE L’IMPUISSANCE PUBLIQUE REVENDIQUEE
Ou comment élus et policiers s’entendent à rendre acceptable l’inacceptable.

Lors de la séance publique du Conseil de quartier de la Goutte d’Or, le 23 novembre 2010, dans les locaux de l’école maternelle rue Pierre Budin, le commissaire d’arrondissement, ainsi que le représentant de la Mairie du 18ème ont joué, devant une salle archi comble, plus de 200 habitants, parfois non sans talent mais sans jamais convaincre, la scène de l’impuissance et du dénuement en réponse au feu roulant des questions des habitants dont la plupart ont fait état de leur ras-le-bol. Le public n’a semble-t-il pas été dupe, puisqu’il a applaudi jusqu’à la fin de la représentation les intervenants qui ne voulaient pas se prêter à ce jeu en réclamant de jouir des mêmes droits que les autres citoyens de la Capitale.

Sur la prostitution les habitants de la Goutte d’Or se sont entendus dire que la loi sur le racolage était très difficilement applicable et que la chasse aux proxénètes donnait très peu de résultats sur leur quartier. « Cela revient à vider une baignoire avec une petite cuillère percée »
Conclusion suggérée : on ne peut quasiment rien attendre.

Sur la vente à la sauvette rue des Poissonniers ou rue Dejean, les « forces de l’ordre » ne distribuent plus systématiquement de PV. Les contrevenant(e)s, pourtant loin d’être pauvres, seraient « insolvables ». Renoncement. ? Ce genre de ventes qui sature l’espace public ne serait pas franchement illégal ( !?) et encore moins un délit.
Conclusion suggérée : on ne peut quasiment rien faire de plus.

Sur les agressions : les plaintes ne sont pas toujours acceptées le soir – et de fait elles ne sont pas toujours plus reçues dans la journée. « C’est un choix, il est préférable que les policiers soient dehors, sur le terrain » et « certains policiers, comme dans tout métier, n’ont pas toujours envie de bosser». Mais « il faut porter plainte ».
Conclusion suggérée : rien ne changera et le thermomètre restera bloqué.

Concernant la rénovation de l’habitat : la Mairie, à travers son représentant, en faisant argument de l’argent investi dans le quartier, feint de croire que l’amélioration de l’habitat insalubre et de la voirie suffira à résoudre tous les problèmes liés à l’espace public. Or le programme est en voie d’achèvement, les immeubles ciblés démolis et les squats dégagés mais la situation s’aggrave. Cherchez l’erreur ! Cette vieille antienne a déjà fait la preuve de sa faiblesse, sinon de son échec, dans les banlieues.
Conclusion suggérée : dormez tranquilles et rendez-vous dans dix ans.

Sur les commerces débitant des boissons : Beaucoup sont sources de nuisances (bruits, tapage, pisseurs dans la rue). Les gens qui les fréquentent sont « souvent les clients de la prostitution ». Et la police fait beaucoup de fermetures administratives (la liste et les dates de ces fermetures n’étant pas fournies).
Conclusion dubitative : on voudrait y croire.

Sur le projet de salles de shoot : une copie du courrier à Bertrand Delanoë, rédigé par nos soins a été distribuée, le sujet a été évoqué. Rien de précis n’a été dit par le représentant de la Mairie. Les habitants, et plus particulièrement ceux qui demeurent dans le périmètre élargi d’EGO, apprécieront. Dealers et toxicomanes concentrés sur le pourtour de cette structure dite de « soins » leur ont forgé une expérience qu’ils ne sont pas prêt d’oublier
Conclusion affirmative : ce serait le comble de l’inacceptable.

2.12.10

A Monsieur Delanoë à propos des salles de shoot

Monsieur le Maire de Paris,


Nous suivons attentivement votre préparation de l’opinion à l’idée d’installer des salles de shoot dans les quartiers du Nord Est Parisien. Les habitants de la Goutte d’or, qui ont déjà une bonne expérience des phénomènes induits par l’installation de ce genre de structures dans leur quartier, s’en sont alertés. Nombre d’entre eux, notamment les 1500 signataires de la pétition qui avait été adressée à la Mairie en octobre 2005, préfèrent, d’ores et déjà, prévenir les pouvoirs publics qu’ils n’accepteront pas l’installation de salles de shoot dans leur quartier. C’est une position unanime, qui rejoint par ailleurs un récent sondage d’opinion publié par l’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanie (OFDT) en juin 2010, révélant que 73% des sondés sont contre de tels projets. Les habitants de nos quartiers ont déjà donné ! Ils s’étaient déjà fermement opposés, durant toute l’année 2005, et avec succès au projet d’une extension d’EGO (1), sous les fenêtres de la salle de lecture de l’Ecole Primaire de la Ville de Paris de la rue Cavé et devant l’église Saint Bernard. Les salles d’injection, en question aujourd’hui, n’en seront qu’une version aggravée.

Les raisons en sont simples. Les « salles de soins », et a fortiori les salles de shoot, drainent une population de poly-toxicomanes qui sont dans l’obligation de se procurer de l’argent par tous les moyens pour acheter leurs drogues. Il s’en suit vols, agressions et effractions. Il est, d’autre part, faux de prétendre que ces lieux ne reçoivent que les toxicomanes résidents du quartier. Beaucoup n’ayant pas de domicile fixe se déplacent et se concentrent autours de ces centres.

L’autre effet induit est que les dealers se regroupent et s’installent dans le voisinage de ce genre de lieu où, d’une part, ils sont sûrs de trouver leurs clients et, d’autre part, de bénéficier d’une certaine impunité, effet pervers de la circulaire du Ministère de la Justice du 17 juin 1999 (NOR JUS A 9900 148C) qui interdit aux services de Police d’intervenir directement à proximité de ces structures sans en avoir obtenu préalablement l’autorisation auprès du Procureur de la République (2). Dans les faits, cette disposition contribue à sanctuariser ainsi des périmètres d’impunité favorables aux trafics (3).

De tout cela nous avons déjà l’expérience dans les rues Saint Luc, Léon et Myrha, ainsi qu’au Square Léon principalement, mais pas exclusivement. Le métro Château Rouge ou le quartier La Chapelle avec la rue du même nom, la rue Marx Dormoy, la rue Philippe de Girard ont vécu ou vivent encore cette même expérience. Les bandes qui y opèrent exercent pression et intimidations, verbales ou physiques, aussi bien sur les commerçants que sur les résidents. C’est un des gros problèmes du quartier qui pourrit la vie des habitants depuis plusieurs années et fait obstacle à son développement commercial harmonieux et diversifié.

Nous ne voyons donc pas comment les promoteurs d’un tel projet, des responsables politiques redevables de leurs décisions devant leurs électeurs, peuvent ignorer ce qui est désormais connu de tous, sauf à vouloir fournir directement, eux-mêmes, dans ces centres, les drogues demandées à savoir des drogues dures telles que le crack. Cette éventualité, qui n’est pas jusqu’à ce jour affichée publiquement, poserait alors d’autres questions.

Monsieur Neyreneuf, adjoint au Maire du 18e, a reconnu hors micro que le précédent choix d’installer une structure comme EGO en plein centre d’un quartier de très grande densité urbaine et scolaire, avait été, pour reprendre son indulgent euphémisme, une « belle connerie ». Autre aveu, le local de l’association Charonne rue Philippe de Girard a été déplacé. Un bilan a donc déjà été fait à partir des expériences précédentes, même s’il n’a pas été rendu public, sur les erreurs à ne pas commettre. De leur côté, non seulement les habitants, mais aussi les experts de l’OFDT (Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies), dans leur rapport de septembre 2003, intitulé « Médiations et Réduction des Risques » ont depuis longtemps tiré le bilan catastrophique de ces structures dans les quartiers de Château Rouge, La Goutte d’Or, La Chapelle et Barbès (4).

Au-delà de cette position, de nombreux habitants considèrent que cette pseudo solution des salles de shoot est une fausse solution et, bien plus, qu’elle s’apparente sinon à une lâcheté politique, du moins à une démission consistant à favoriser le maintien et l’enfermement (5) dans son addiction d’une population reléguée par un système économique injuste. Ils considèrent que l’interdiction de ces drogues dures ne doit pas être levée et que la plupart de ces poly-toxicomanes, qui relèvent à 80% de problèmes psychiatriques lourds, doivent être pris en charge par l’Hôpital Public. La solution ne consiste plus alors à fixer victimes et bourreaux, toxicomanes et dealers, sur et autour d’un même lieu, mais elle nécessite la constitution d’équipes d’infirmiers ou de médecins psychiatriques ambulants qui vont à la rencontre de ces toxicomanes pour établir le contact, leur apporter une aide ponctuelle mais régulière et les amener à accepter de se faire soigner. C’est peut être plus cher, mais c’est plus juste et plus courageux pour une société qui se réclame des droits de l’Homme et qui, selon le triptyque affiché sur le fronton de ses bâtiments publics se veut fraternelle (6).

Monsieur le Maire, le quartier de la Goutte d’or se mobilise. Si d’aventure vous tentiez, avec la complicité de monsieur Daniel Vaillant, de nous imposer une salle de shoot, sachez que les habitants s’y opposeront par tous les moyens. Sur le fond, faute de contribuer à l’élaboration d’une politique alternative sérieuse de santé publique qui redonnerait toute sa place à l’Hôpital public et à son secteur psychiatrique, votre choix est bien plutôt de lâcher les freins à moindre coût sur des phénomènes sociétaux de ce genre en en sous-traitant encore une fois la charge au monde associatif. Dix ans après l’échec patent de ces structures associatives et le bilan de leurs dégâts, oser nous resservir la même soupe encore plus amère sous forme de salles de shoot est une honte. Cela confirme tristement qu’une bonne partie de notre personnel politique, des élites municipales comme des élites de l’Etat, de gauche comme de droite, se sont très cyniquement séparées des préoccupations populaires des quartiers en difficulté.

Nous vous prions de croire, M. le Maire de Paris, en l’assurance de notre très critique considération ainsi qu’à notre grande vigilance.

---------------------------

(1) Espoir Goutte d'Or, Association d'accueil de toxicomanes -crackers, créée au début des années 1990 et située 13 rue Saint Luc 75018, à moins de 100 mètres de l'entrée du Square Léon, carrefour de tous les trafics et des nuisances liées à la toxicomanie depuis plus de 15 ans, au beau milieu des familles et de leurs enfants

(2) Nous n’avons jamais obtenu de réponse infirmant sa validité actuelle

(3) Rapport de l’OFDT 2003 : « La vente des produits se pratique aux abords des structures, c’est indéniable » (page 29) ; « Les quartiers urbains dégradés se prêtent à un ensemble de pratiques illicites qui, même si elles sont repérées par les pouvoirs publics, notamment par la police, y sont tolérées jusqu’à un certain point, afin de les circonscrire aux quartiers déjà atteints » (page 21)

(4) Rapport de l’OFDT 2003, quelques perles de lucidité : « La Coordination n’a probablement pas convaincu, parce que c’est indéfendable, du bien-fondé de la concentration des structures sur un périmètre restreint sans qu’aucune autre ne soit ouverte dans d’autres quartiers pendant toute cette période » (page 65) ; « Le rôle de la Coordination se cantonne à une transformation de la vision que les riverains ont de la présence massive d’usagers de drogues dans leur environnement » (page 27); Elle doit « s’occuper des usagers et calmer les habitants » (page 27) ; « Pour EGO, le dispositif permet d’avancer vers « cette utopie politique » qu’est l’intégration de la toxicomanie dans le droit commun » (page 45)…

(5) Le Figaro du 22/07/2010 : «La problématique est toujours la même en France: on aide les drogués à se défoncer tant qu'ils veulent, pourvu qu'ils n'attrapent pas le sida», résume sous couvert de l'anonymat un psychiatre spécialisé en addiction qui a longtemps travaillé à Marmottan. «La thérapeutique des toxicomanes a complètement été inversée avec l'épidémie de sida. On a alors privilégié la “prévention du risque” (sida, hépatites) au détriment des dangers psychosociaux liés à la toxicomanie. Avec ce type de centre, on ne résout pas la question de la dépendance : on l'entretient», déplore encore ce spécialiste.

(6) Au regard de ces principes l’argument utilisé sans honte de retrouver une tranquillité publique par l’installation de ces structures fait partie du chapelet de fausses évidences égrenées à longueur de temps mais qui ne font plus illusion. Cantonner loin des beaux quartiers dans les quartiers populaires ou dans les banlieues, les déclassés sociaux, ceux qui plongés dans la toxicomanie sont déjà hors jeu, hors statistiques, hors chômage, relève plus de l’apartheid que d’une quelconque fraternité. L’apartheid des toxicomanes avec les habitants de ces zones urbaines.

30.12.06



POUR UNE POLITIQUE DE LUTTE VÉRITABLE CONTRE LA DROGUE !
COLLECTIF STALINGRAD CONTRE LE CRACK (PARIS 10°-18°-19°)

Pas de quartier libre à la drogue et aux dealers !
Pas de société sans lutte contre la drogue : résistons !
Pour une politique publique de soins, ayant pour fer de lance un Samu-toxicomanie !
Nous proposons de reprendre en France le combat contre la drogue autour des huit principes suivants :
1. Pas de société sans lutte contre la drogue !
Résistons à l’intoxication croissante du pays, en particulier pour les jeunes ! Honte à l’ancien mot d’ordre de la MILDT : « Pas de société sans drogues ! » qui représente, en vérité, le mot d’ordre des dealers !
2. La lutte contre la drogue doit être l’affaire de tous, et non pas l’exclusivité de l’État. Elle n’est donc pas une simple affaire de politique dite publique.
Organisons-nous pour résister ! Si l’État doit faire son travail propre, la clef de la résistance contre la drogue tient à l’intervention de chacun.
3. Pas de lutte contre la drogue sans une véritable prévention !
Prévenir, c’est avant tout dissuader les jeunes de se droguer en leur montrant qu’il y a beaucoup mieux à faire.
Avant tout, la prévention doit mobiliser tout un chacun.
4. Pour une politique publique de soins en matière de toxicomanie ayant comme avant-poste un Samutoxicomanie !
L’État doit encourager les toxicomanes à sortir de leur servitude volontaire, en se souciant de se soigner médicalement de leur toxicomanie. De véritables soins médicaux, non réductibles à une simple assistance sociale, doivent être dispensés dans des centres rattachés aux structures hospitalières.
5. Pas de lutte contre la drogue sans une police empêchant les dealers de nuire !
Si la lutte contre la demande de drogues est l’affaire de tous, la lutte contre l’offre est l’affaire spécifique de l’État et de la police. Les gens doivent s’assurer que l’État et la police font correctement leur travail en ce domaine.
6. La lutte contre la drogue n’est pas une guerre : elle est affaire de politique émancipatrice.
L’idéologie (américaine) de la « guerre à la drogue » est contre-productive : elle prétend intensifier le combat quand, en vérité, elle le démobilise en le militarisant. L’essentiel, en matière de lutte contre la drogue, est d’incorporer cette lutte à une vision globale émancipatrice.
7. Les mesures de réduction des risques, visant à limiter les dommages collatéraux (infections), ne doivent pas servir à démanteler la lutte contre la drogue. Au titre de la lutte contre la drogue et la toxicomanie, la politique de réduction des risques est un désastre.
Les mesures de réduction des risques touchent à la lutte contre le sida (et les autres maladies infectieuses), non à la lutte contre la drogue : elles ne doivent pas servir de Cheval de Troie pour démanteler la lutte contre la drogue.
À ce titre, la politique de réduction des risques (qui prétend ordonner la politique en matière de drogue à ces mesures, qui organise un chantage au sida pour faire accepter la toxicomanie) est un désastre qu’il faut combattre.
8. Du point de vue de l’émancipation, il convient de se rapporter au toxicomane comme à un nihiliste.
- Pour une politique publique unilatéralement répressive, le toxicomane n’est qu’un délinquant. Or, si le toxicomane est souvent par ailleurs un délinquant (pour se procurer facilement un argent abondant), sa toxicomanie, en tant que telle, n’est pas essentiellement une délinquance.
- Pour la politique de réduction des risques, le toxicomane est essentiellement une victime. Qui ne sait pourtant que si le toxicomane aime, il est vrai, à se présenter comme une victime, c’est qu’il l’est essentiellement… de lui-même !
- Pour une politique publique de soins, le toxicomane est un malade qu’il faut médicalement soigner. Cette position nous paraît, en matière de politique publique, la plus juste et la plus productive même s’il apparaît que la toxicomanie, comme telle, est difficilement concevable comme une maladie (elle semblerait plutôt un mode
particulier de symptomatisation pour différentes maladies psychiques).
- Mais pour les militants de la lutte contre la drogue, le toxicomane sera essentiellement vu comme un « nihiliste » : comme quelqu’un qui veut le néant (qui veut la servitude, l’avilissement, l’auto-destruction…)plutôt que de ne rien vouloir. Il convient alors de lui opposer qu’on n’est pas condamné à ne rien vouloir ou à vouloir le rien, qu’on peut vouloir l’amour, la musique, la poésie, telle science, tel engagement collectif, le sport, etc., et que ce sont là des manières autrement intéressantes d’intensifier son existence.

COLLECTIF STALINGRAD CONTRE LE CRACK (PARIS 10°-18°-19°)
Stalingrad@noos.fr 06 76 58 18 27 www.entretemps.asso.fr/Stalingrad

16.12.06

QUE FAIT VRAIMENT COORDINATION
TOXICOMANIES 18 DANS LES
QUARTIERS DU 18ÈME ?

Cette question, que tout un
chacun se pose légitimement,
le très officiel Observatoire
français des drogues et des
toxicomanies (Ofdt) se l’est
déjà posé il y a peu. Pour y
répondre, il a commandé une
évaluation à trois personnalités
1 qui, après large enquête sur le
terrain, ont rédigé un rapport,
publié en 2004, dont nous
conseillons vivement la lecture :
Médiation et réduction des risques – Évaluation
du programme de réduction des risques et de médiation
sociale dans le 18° arrondissement de Paris. 2 Voici
ce qu’on peut y trouver qui éclaire la nature véritable de
CT18 3.
Pour cela, examinons successivement comment ce rapport
1. évalue les effets réels du travail de CT18 : à quoi servent-
ils réellement ?,
2. rapproche ces effets des moyens effectifs mobilisés
par CT18 : qu’est-ce qu’ils font exactement ?,
3. examine le rapport de ces moyens aux objectifs déclarés
de CT18 : qu’est-ce qu’en vérité ils veulent ?,
4. remonte ensuite à ce qui pour CT18 constitue les
vrais problèmes des quartiers légitimant qu’ils interviennent
: pour CT18, qu’est-ce qui ne va pas dans le
18ème ?
5. et pour finir avance une évaluation globale : Finalement,
cette action de CT18 est-elle une réussite et par
là un modèle exportable ?.
1) Effets du travail de CT18
Sur les habitants ? Les effets s’avèrent… nuls !
Si « la Coordination a toujours répondu aux appels des riverains,
[…] il est certain que ce mode de fonctionnement n’a
pas toujours contenté des habitants las de devoir faire de
multiples réclamations pour vivre dans des conditions décentes
d’hygiène et de tranquillité. ». (66)
« La Coordination n’a probablement pas convaincu - parce
que c’est indéfendable - du bien-fondé de la concentration
des structures sur un périmètre restreint ». (65)
Sur les toxicomanes ? Les effets s’avèrent… quasi-nuls !
« Les responsables des structures [de réduction des risques
dans le 18ème] n’ont pas un point de vue unanime sur la capacité
qu’a eu le dispositif d’améliorer la situation sanitaire
et sociale des usagers. » (43) [Doux euphémisme…]
« EGO et la Coordination ont mis en avant le fait que le comité
d’usagers de EGO avait placardé des affichettes visant
à dissuader d’autres usagers d’acheter ou de consommer
1 une sociologue (S. Fayman), une anthropologue (C. Salomon) et un
médecin (P. Fouilland), au demeurant tous favorables à la réduction
des risques (ce qui rehausse leur sévérité à l’égard de CT18).
2 Le rapport est disponible à www.drogues.gouv.fr
3 Pour plus de précisions, on pourra se reporter aux deux textes suivants
: www.entretemps.asso.fr/drogues/2004.2005/12.mai.htm (École
des Mines de Paris, 12 mai 2005) et
www.entretemps.asso.fr/Stalingrad/Etudes/CT18.htm (Stalingrad, 15
février 2005).
leur produit devant des enfants. L’initiative est louable mais
d’une part le libellé n’est pas très explicite et il n’est pas sûr
qu’il soit compris pour son sens réel ; d’autre part, ceux qui
ont rédigé ou affiché ces exhortations peuvent très bien passer
par des moments où ils perdent de vue les recommandations
qu’ils ont eux-mêmes formulées et tomber dans des
comportements peu éducatifs. » (80)
« La médiation n’a jamais permis un véritable dialogue entre
usagers et riverains. » (88)
Seuls effets décelables : coordonner… les nombreuses
structures bas-seuil du quartier qui s’ignorent !
« La Coordination a eu un rôle de liaison entre les structures
à bas seuil. » (36) « Il s’agissait en effet de mettre en réseau
et coordonner les structures spécialisées. » (38)
2) Moyens mobilisés ? La « médiation »
Le principal moyen d’action est la « médiation », ce motfétiche
: « La médiation est invoquée comme la nouvelle panacée
du lien social » (11) avec des « médiateurs » plutôt
que de vrais éducateurs-rue :
« Les termes de référence du projet nommaient des éducateurs
qui finalement ont été appelés médiateurs ». (32)
Une « médiation » qui a pour principal outil le double
langage : « L’ambiguïté de la mission se révèle dans le discours
tenu par les équipes de rue au cours de leurs tournées,
selon qu’il s’adresse à des riverains ou à des usagers. » (63)
Une « médiation » qui n’est pas neutre car elle privilégie
le point de vue… des toxicomanes ! :
« L’usage du terme de médiation est souvent abusif » (11)
« Il a été difficile à la Coordination de maintenir une neutralité
sur ces questions [de toxicomanie]. » (64)
Soit une « médiation » qui revient à se faire l’avocat des
toxicomanes !:
• auprès de la police : « Dès que les gens de la Coordination
voient un usager contrôlé par les flics, ils y vont. » (75)
• auprès des riverains : « Une certaine priorité a été donnée
aux usagers par rapport aux riverains. » (54)
Une « médiation » qui tente d’étouffer la colère des gens
du quartier contre le trafic : la « médiation » est affichée
« comme un moyen de réduire les tensions entre habitants et
usagers. » (92)
Une « médiation » qui finalement sert d’arbitre… entre
les nombreuses structures bas-seuil !:
« Ce n’est pas vraiment de la médiation mais une action
d’interpellation et de rapprochement de différentes institutions
» (48)
Au total, une « médiation » inadaptée aux tensions générées
par le trafic : « L’objectif de médiation est peu adapté
aux tensions et aux conflits nés de la toxicomanie de rue dans
des quartiers en difficulté de tous ordres. » (94)
Ainsi la « médiation » de CT18 déploie un édredon face à
la colère des gens du quartier (constatant la main mise du
trafic sur les espaces publics et privés) et résout les tensions…
entre structures rivales !
3) Objectifs de CT18
Que veut vraiment CT18 ? D’abord CT18 ne le dit pas
clairement :
« Il serait hasardeux de se prononcer sur des résultats en
raison du peu de précision des objectifs assignés au dispositif
» (61) [Avancer masqué, derrière un brouillard de mots :
comme chacun sait, Pierre Leyrit s’y entend…]
Il s’avère cependant qu’il s’agit pour CT18 de calmer le
quartier en agissant… sur les habitants ! Il s’agit de
- « s’occuper des usagers et calmer les habitants » (42),
- « calmer les esprits dans le quartier » (44).
Il faut pour cela changer le regard des habitants sur la
drogue : le dispositif « se cantonne à une transformation de
la vision que les riverains ont de la présence massive
d’usagers de drogues dans leur environnement. » (27) en sorte
que ces riverains acceptent le trafic et entérinent la présence
du crack dans le 18ème. S’agit-il alors de lutter
contre la toxicomanie ? Nullement !:
« L’option de la réduction des risques est plus proche de la
réalité de l’action du dispositif pilote que de son intitulé :
“dispositif pilote de lutte contre la toxicomanie”. » (27)
La « lutte contre la toxicomanie » déclarée a pour sens
véritable, en alliance avec EGO, une intégration de la
toxicomanie dans le quartier ! :
« Pour EGO, le dispositif permet d’avancer vers cette utopie
politique qu’est l’intégration de la toxicomanie dans le droit
commun. » (45) [Chacun appréciera ce qu’est une « utopie
politique »… pour EGO !]
et de faire croire que les « nuisances sont subies tant par les
usagers de drogues que par les riverains » (19). La logique se
dessine : CT18 dit d’abord que les toxicomanes subissent
autant de nuisances que les habitants et ensuite attribuent
ces nuisances subies par les toxicomanes… aux habitants
! En effet, voici ce qui pour CT18 ne va pas dans le
quartier :
4) Qu’est-ce qui pose vraiment problème à CT18 ?
Le rapport rappelle les postulats que CT18 fait siens :
« Deux postulats. Le premier est que les problèmes de société
ne se résolvent pas par la négation des usagers (les chasser),
mais par une élaboration concertée de solutions ou de compromis.
Le second est qu’il est plus important de réduire les
risques liés à la toxicomanie que de chercher à éradiquer
cette dernière. » (37)
• Le premier problème est donc que les toxicomanes risquent
d’attraper le sida, non pas qu’ils s’intoxiquent.
« Le postulat de base est que les solutions sont à chercher
ensemble et que les usagers de drogues ne sont pas des parias
à chasser. » (61)
Soit le vieux chantage au sida de la politique de réduction
des risques : « acceptez la drogue, sinon c’est le sida ! »
• D’où le second problème qui est que les gens du quartier
ne sont pas prêts à vivre avec le trafic, que les habitants
et des commerçants refusent de vivre avec la drogue
dans leur quartier ! Ainsi, pour CT18, ce qui ne va pas
dans le 18ème, ce n’est pas l’omniprésence du crack mais
les gens qui refusent de vivre avec…
Contre les habitants qui refusent une « concertation »
pour institutionnaliser le crack, CT18 exhibe un maigre
cortège d’associations-croupions où quelques rares militants,
toujours les mêmes, déguisés en naïfs habitants,
déclarent « quartier libre au crack ». L’Ofdt ne se laisse
pas prendre à cette manipulation : « Les associations impliquées
dans le dispositif [de réduction des risques] ne sont certes
pas représentatives de l’ensemble de la population. » (96)
5) Évaluation globale de l’activité de CT18
Au total, pour l’Ofdt, le bilan de CT18 n’est guère satisfaisant
: « Le bilan du dispositif est contrasté. » (87) Derrière
l’euphémisme, l’Ofdt rappelle qu’il s’agit là d’un
« engagement militant » (85), d’une « organisation militante »
(49), non pas d’une institution neutre et professionnellement
compétente, et que ce travail partisan n’est ni gratuit,
ni désintéressé : selon l’Ofdt, son coût en 2001
s’élevait à 343 000 euros…
En conclusion, l’Ofdt se demande : compte tenu de tout
ce qui précède, faut-il étendre ce « dispositif-pilote » à
d’autres arrondissements de Paris ? Le diagnostic des
évaluateurs est ici formel : non ! « Une des attentes face à
l’évaluation est de savoir si ce dispositif est reproductible. Au
risque de décevoir, nous dirons qu’il l’est difficilement. » (99)
Puisque CT18 ne sert à rien d’autre qu’à orchestrer la
politique de réduction des risques dans le 18ème - d’un côté
à étouffer la colère des habitants et commerçants (sans
grands succès, comme on l’a vu…) et d’un autre côté à
coordonner les nombreuses structures bas-seuil qui prolifèrent
dans le 18ème et se disputent la clientèle des crackés
et les fonds publics -, une telle « coordination » n’aurait
aucun sens dans un autre arrondissement où n’existe
(heureusement pas !) un tel entassement de structures rivales.
Corollaire : si les structures bas-seuil en venaient enfin à
être délocalisées, plus besoin de CT18 pour
« coordonner » leurs chamaillades !
LA SITUATION RÉELLE DU 18ÈME
Quelle est, pour l’Ofdt, et par-delà ce qu’en dit CT18, la
véritable situation du quartier ? L’Ofdt a pris soin de vérifier
que, pour les gens du quartier, la toxicomanie est
bien le principal problème :
« Pour 27% des gens [majorité relative], la toxicomanie vient
en tête des problèmes ressentis dans le quartier. Au coeur du
trafic, le pourcentage des gens qui trouvent que la toxicomanie
est le premier problème du quartier passe à 42%. » (71)
« Une moyenne de 87% (92% au coeur du trafic) déclare
avoir déjà rencontré des usagers. » (71) « 5% déclarent
avoir été agressés, presque toujours dans l’espace public. »
(71) 5% : cela veut dire qu’un habitant sur vingt a été agressé
dans la rue par un toxicomane !
Pour l’Ofdt, cette réalité, insupportable pour les habitants
« pauvres et honnêtes » (62) de ces quartiers, ne relève pas
d’un fantasme, d’un simple « ressenti », mais de pratiques
bien réelles :
Il y a bien une « explosion de la consommation de crack »
(56, 88). « L’étalage public du trafic de stupéfiants demeure
une des caractéristiques des quartiers concernés. » (63)
« Les pouvoirs publics et la police tolèrent le trafic afin de le
circonscrire aux quartiers déjà atteints. » (21) « La
concentration, dans le même lieu, de la vente et de la
consommation de stupéfiants traduit la tolérance à l’égard de
pratiques qu’on ne souhaite pas déplacer vers d’autres
l«i eLuax . v»e n(3te9 )d es produits et leur consommation

se pratiquentaussi aux abords des structures, c’est indéniable. »

Voilà la toxicomanie que CT18 voudrait faire accepter au
quartier, par « concertation » et « coordination » !
La raison d’être de CT18 : Pas de 18ème sans crack !
Quand tout le monde voit clairement que le crack pourrit
les quartiers où il s’infiltre, CT18 s’affaire, depuis bientôt
dix ans, et sur fonds publics, à faire prévaloir un « Pas de
18ème sans crack ! » (transposition sur l’arrondissement
de l’ancien mot d’ordre de la Mildt « Pas de société sans
drogues ! »). Comme le rapport de l’Ofdt le montre bien,
les habitants et commerçants du 18ème ne s’y résignent
pas et résistent sans relâche à Coordination Toxicomanies
18. Gageons que leur résistance n’est pas prête de
s’arrêter !
––––––

28.11.06

A propos du projet d'un Institut des cultures musulmanes
Première contribution à la réflexion

Rassemblés au sein du Collectif des Habitants de la Goutte d’Or, quartier auquel nous sommes très attachés, nous sommes souvent amenés, en tant qu’observateurs concernés de la vie locale, à intervenir publiquement à propos de certaines actions ou projets initiés par les pouvoirs publics sur le quartier.

Il s’agit de projets qui interpellent par leur caractère inadapté ou inopportun et qui, en tout état de cause, ne semblent pas être motivés par la volonté de satisfaire avant tout aux besoins et aux aspirations des populations.

D’autant que celles-ci ne peuvent véritablement pas faire connaître leurs opinions.

Les instances officielles de démocratie locale qui devraient permettre cette expression sont inopérantes à cause d’un encadrement rigide qui en limite l’ancrage populaire.

Les associations du quartier sont, pour la plupart elles aussi, bridées dans leur rôle de porte voix des habitants par les durs impératifs des subventions qui les font vivre.

Le collectif des habitants considère, dès lors, son intervention citoyenne comme une nécessité démocratique tant en direction des populations pour les informer des projets qui les concernent, qu’en direction des décideurs publics pour les interpeller quand au sens de leur action sur le quartier.

Cette démarche pour la défense du quartier et de tous ses habitants s’inscrit délibérément dans le cadre de principes fondamentaux intangibles à savoir :

1- le respect des droits de l’homme et des libertés individuelles, en particulier l’affirmation de l’égalité en droit pour les hommes et les femmes, l’affirmation du principe de laïcité qui implique le maintien de la religion dans la sphère privée et la défense de la citoyenneté et des droits politiques pour tous.

2- La défense des intérêts économiques, sociaux et culturels des populations dans le respect de la diversité des besoins et des sensibilités

Un quartier cosmopolite mais déshérité

La Goutte d’Or Château Rouge est riche d’une pluralité de populations aux origines multiples et aux cultures diversifiées. Issues de trente sept nationalités différentes, elles y vivent et se côtoient dans le respect et la compréhension mutuelle.

Cette multiplicité a donné au quartier son caractère traditionnellement cosmopolite où il fait bon vivre ensemble en dépit d’une réputation de ghetto misérabiliste que les municipalités successives n’ont pas su ou pas voulu corriger.

Malgré le programme de travaux engagé, la Goutte d’Or détient en effet, accumulés, les records absolus du plus grand nombre de logements insalubres et de squats, du taux de chômage le plus élevé, du plus grand nombre de familles en difficultés sociales et économiques, d’une densité record d’activités informelles en contravention avec les normes de l’hygiène et de la consommation, d’une communautarisation aberrante qui détruit toute possibilité de mixité sociale dans les écoles, les logements et les commerces.

L’école publique y est sinistrée et l’échec scolaire élevé. Moins de la moitié des effectifs d’élèves de troisième des collèges parviennent à être admis en seconde de lycée.

Elle est à l’image du quartier dont elle partage le sort malgré les efforts déployés par un personnel éducatif responsable mais impuissant à satisfaire une demande d’instruction forte, à la mesure des aspirations à l’accès au savoir pour leur progéniture, de populations qui en ont toujours été privées.

Notre quartier est véritablement laissé pour compte des politiques publiques, que l’administration et les responsables politiques (toutes couleurs confondues) n’ont jamais cessé de considérer comme un réceptacle de toutes les nuisances et dont ils ont allègrement abusé de la faiblesse de ses groupes sociaux pour imposer aux habitants des choix injustes au lieu de répondre à leurs attentes et développer des politiques d’aide sociale réelles et concrètes, de soutien linguistique et éducatif, de restauration du tissu culturel et commercial et d’éradication de la délinquance

L’Etat, la Région et la Ville de Paris ne finançaient-ils pas un projet d’implantation d’un centre de soins pour toxicomanes au carrefour de cinq écoles du quartier alors qu’il existe déjà six centres du même type dans l’arrondissement et ce, en dépit de l’avis des experts et des citoyens inquiets des conséquences d’un tel projet qui menace leur sécurité, dévalorise leur cadre de vie et fragilise encore plus leur quartier ?

Ne s’apprête-t-on pas, avec le projet d’aménagement de la ligne du Bus 60, dit projet « Mobilien », en dépit de toutes les mises en garde des habitants, à asphyxier encore un peu plus le quartier en y concentrant le flux des véhicules drainé par deux axes rouges à fort trafic ?

On attend toujours de la puissance publique qu’elle mette un terme au commerce informel qui prolifère dangereusement sur les trottoirs de la rue Poulet interdisant toute circulation piétonnière normale, ou encore à l’affichage massif de tracts sectaires et aux prêches publics organisés fréquemment sur le marché et la sortie de la station de métro Château Rouge ?

Ce désintérêt manifeste pour des solutions adaptées aux problématiques du quartier n’est-il pas, jusqu’à la caricature, le signe de l’abandon des classes populaires par toutes les élites politiques ?

Secret et langue de bois pour un projet à hauts risques

Sur un autre plan, le quartier est l’objet d’un projet d’installation d’un centre des Cultures Musulmanes discrètement préparé par le service culturel de la Mairie de Paris.

Un tel projet interpelle et conduit à s’interroger sur sa finalité et son opportunité dans notre quartier.

Une note confidentielle adressée à certains habitants décrit les objectifs et le contenu de ce centre. Il consiste en la construction aux intersections des rues Polonceau et des Poissonniers ainsi qu’à l’angle formé par les rues Stéphenson et Doudeauville, de deux établissements religieux dévolus à l’étude et à la pratique de l’Islam.

Le document est édifiant tant il emprunte aux lieux communs, aux fausses évidences et à l’acrobatie de langage pour justifier l’installation de cette immense institut doté de « formations diplômantes de haut niveau », de pôle de recherche « axé sur l’étude de l’islam en France » de centre de documentation « exclusivement dédié aux cultures musulmanes », d’activités culturelles « en lien avec le référant islam », et d’activité cultuelle « avec des salles dédiées en permanence à l’exercice du culte »

Pourquoi un tel projet à la Goutte d’Or ?

« Ce quartier, emblématique d’une présence musulmane désormais inscrite dans l’histoire longue de Paris, apparaît comme le point d’ancrage idéale de cet institut » explique le document.

L’argument procède d’une vision réductrice et historiquement infondée.

Une histoire laïque et ouvrière ignorée

Réductrice à l’égard des populations originaires des Pays du Maghreb, puisque c’est surtout d’elles qu’il s’agit, qui sont globalement assimilées à une masse indistincte de musulmans, quand bien même de nombreuses personnes sont laïques ou même athées et que la plupart se conçoivent avant tout comme des individus et des citoyens libres qu’on ne peut réduire à la simple dimension d’une identité religieuse.

Infondée au regard de l’influence culturelle et sociale d’inspiration ouvrière, laïque et pas du tout religieuse, qu’a exercé sur la vie de ce quartier la présence de milliers de maghrébins qui s’y sont succédés depuis le début du siècle dernier.


C’est dans les nombreux cafés bars et hôtels meublés de la Goutte d’Or que vivaient ces immigrés, généralement originaires d’un même village ou d’une même région, unis par des rapports d’entraide et de solidarité hérités de la communauté d’origine et confortés par les traditions ouvrières du quartier. La vie culturelle y était intense. Elle trouvait son expression dans la poésie et le chant et puisait son inspiration dans la nostalgie du pays, l’amour et l’exil.

C’est à partir de ces lieux de vie qu’a pris son essor et a rayonné la chanson populaire maghrébine aux styles diversifiés ( Kabyle, Rai, Chaabi, marocain etc…) et qu’ont émergé, à côté d’autres, les nombreux artistes qui en ont été les ambassadeurs.

L’arrivée des premières migrations africaines au début des années 1960 a amplifié cette vocation artistique du quartier et celui-ci en porte ostensiblement l’empreinte au vu de la multitude de maisons d’éditions musicales et artistiques qui y ont prospéré.

De même, l’installation, à partir des années 1970 de nombreuses familles d’immigrés venues rejoindre le père travailleur a–t-elle contribué à enrichir le quartier de nouvelles traditions mais aussi et surtout à y favoriser l’expression d’une aspiration de ces familles et de leur progéniture à la reconnaissance de l’égalité citoyenne dans le cadre des principes de la République.

N’est–ce pas à la Goutte d’Or que sont nées ou se sont installées les premières radios communautaires à vocation laïque ( Radio Soleil, rue Stéphenson; Radio Maghreb, rue des Gardes; Radio Beur, rue Polonceau ) ou des journaux et revues ( « Sans Frontières » rue Stephenson; « Nous Autres », rue Polonceau) qui ont publiquement porté cette expression.

N’est-ce pas de la Goutte d’Or, en particulier, que s’est déployé au début des années 1980 la mobilisation des jeunes issus de l’immigration pour animer, à travers toute la France, le combat citoyen pour l’égalité et contre le racisme.

Ainsi, de mémoire d’habitant, la religion est toujours demeurée un élément de la conviction intime et de la pratique privée de populations du quartier en dehors de toute fonction publique de référent identitaire. C’est une évidente confirmation de la Goutte d’or dans sa fonction traditionnelle de bastion de l’expression culturelle et diversifiée plus que de celle de temple d’une expression religieuse pour laquelle, d’ailleurs, aucun lieu de culte n’a vu le jour en dépit de 70 ans de présence de ses supposés adeptes.

La montée de l’intégrisme et du communautarisme religieux

C’est seulement depuis les années 1980, au lendemain de la victoire de la révolution islamique en Iran, que la pratique publique du culte musulman s’est installée dans le quartier.

La mosquée piétiste Al Fath est la première à s’implanter rue Polonceau en 1987 à l’initiative d’un tailleur malien financé par des fonds Saoudiens pour revivifier la foi des travailleurs immigrés africains.

Elle est suivie bientôt par d’autres qui constitueront à la fin de la décennie 1980 un bastion pour l’islamisme militant en plein essor.

Dans le prolongement de son ascension dans des Pays du Maghreb et plus particulièrement en Algérie où elle fut encouragée par le pouvoir en place pour contrer l’influence des tenants de la berbérité et des démocrates, la mouvance islamiste s’est mobilisé pour étendre son emprise au quartier de La Goutte d’Or perçu sans doute par elle aussi « comme le point d’ancrage idéal de son influence ».

Un réseau d’associations cultuelles a été mis sur pied qui a improvisé plusieurs salles de prières dans des conditions précaires et inadaptées pour accueillir des fidèles du quartier et ceux d’autres arrondissements que l’on a pressés de venir écouter les discours politico-religieux de prosélytes enflammés.

Les autorités locales, complaisantes, ont détourné, chaque vendredi, la circulation des rues jouxtant les mosquées ouvrant ainsi l’espace public aux démonstrations de force d’un radicalisme religieux ostensible et conquérant.

Des associations islamiques animent des officines d’éducation religieuse ou s’opère l’endoctrinement de jeunes enfants d’origine maghrébine et africaine du quartier, des échoppes s’installent, en nombre, dans le commerce d’une littérature dogmatique et obscurantiste tandis que de plus en plus de boutiques affichent sur leurs enseignes des signes ou des noms qui empruntent à la symbolique religieuse.

Ainsi le quartier s’enferme-t-il peu à peu dans un communautarisme religieux qui envahit la rue, les commerces, les écoles et y soumet insidieusement les individus d’origine musulmane aux diktats d’un intégrisme communautaire déstabilisant qui leur impose sa norme en matière de culte et de comportement au risque de les soustraire à la protection des lois de la République.

L’Islam otage de l’Islamisme politique

L’Islam qui fut et est encore la religion d’une frange importante de la population de notre quartier tend à devenir l’otage de l’Islamisme c'est-à-dire d’un projet politique qui vise à un contrôle idéologique et moral de la société en s’appuyant sur la masse des jeunes exclus que les politiques publiques abandonnent au repli identitaire sur des illusions passées.

Il est d’ailleurs significatif d’observer le peu de considération accordé aux pratiquants par cet islamisme militant dans notre quartier. Il ne respecte ni les préceptes rituels en matière de condition d’hygiène pour la prière ni les exigences minimales de confort nécessaires à son accomplissement dans des conditions décentes.

Comme si la démarche des islamistes procédait avant tout d’une simple logique de recrutement de fidèles à l’image d’autres formations politiques.

Il n’est pas inutile d’insister, ici, sur la nécessité de bien distinguer la religion musulmane qui relève de la conscience individuelle ou collective de millions de personnes dans le monde de son instrumentalisation à des fins politiques.

La religion musulmane doit être reconnue et bénéficier, dans le respect des lois de la République et du principe de laïcité, du même traitement que les autres religions. Toute discrimination à cet égard doit être combattue au nom de la défense de la liberté de conscience. Il s’agit, à ce titre, d’un combat politique et non religieux qui concerne tous les citoyens attachés à la libre expression d’une sensibilité religieuse en dehors de toute main mise des mouvements intégristes engagés dans la conquête du pouvoir.

Dans les pays ou ils se déploient, ces mouvements cherchent avant tout à exploiter les aspirations à l’émancipation politique, sociale et intellectuelle de populations déshéritées et laissées pour compte de régimes prévaricateurs, oppresseurs et corrompus, pour détourner la dynamique de contestation à leur profit vers le projet d’une société théocratique gouvernée par les islamistes et la loi divine (chari’a).

Les exemples de pays qui vivent cette main mise ou qui y sont exposés sont malheureusement légion avec toutes les conséquences dramatiques qui en résultent pour les populations. Les habitants de notre quartier et plus particulièrement ceux d’origine algérienne le savent bien, eux, dont le pays a été mis à feu et à sang, dix ans durant, par des groupes islamiques armés causant des dizaines de milliers de victimes au sein du peuple algérien.

La France n’a pas échappé aux actions terroristes, y compris au cœur de notre quartier de la Goutte d’Or, avec l’assassinat en 1995 en pleine mosquée de la rue Myrha de Cheikh Sahraoui, un des fondateurs du Front Islamique du Salut algérien.

L’influence des mouvements intégristes en France se poursuit inlassablement sous l’impulsion de réseaux d’associations d’islamistes et surtout de convertis qui envahissent l’espace public avec la bénédiction voire le soutien de certains intellectuels ou militants de gauche que leur mauvaise conscience post-coloniale rend sensibles au discours tiers-mondiste ou communautariste des idéologues intégristes.

Les lieux de culte, les universités, les écoles, les espaces associatifs, les forums, les centres de conférences, les médias sont autant de terrains d’intervention pour ces idéologues qui y distillent un discours mystificateur faisant feu de tout bois (anti-impérialisme, anti-racisme, exploitation des sentiments identitaires, indigénisme,.…) pour forger les consciences et exacerber les ressentiments de jeunes français d’origine musulmane que l’on veut convaincre de l’avènement d’une guerre de civilisations qui opposerait le monde islamique à l’Occident.

S’appuyant sur une lecture fondamentaliste de l’Islam et sous prétexte d’un retour à ses valeurs originelles, les intégristes s’opposent aux principes de citoyenneté, de laïcité et de défense des droits de l’homme qu’ils rejettent comme valeurs de l’occident et prônent une idéologie qui enferme l’individu dans un univers de croyances et de règles de comportement qui le rendent docile et facilement manipulable.

Cette évolution générale s‘observe de plus en plus dans notre quartier. Elle inquiète beaucoup d’habitants et conduit nombre d’entre eux à le déserter lorsqu’ils en ont les moyens. Il en est de même des commerces traditionnels nombreux à fermer boutique. La mixité sociale, présentée comme une nécessitée incontournable à l’amélioration de la situation, est singulièrement mise à mal en dépit de l’opération de rénovation de l’immobilier urbain qui devait en principe la promouvoir.

La diversité culturelle qui fut, dans ce quartier, le creuset d’un vivre ensemble harmonieux depuis des lustres est ainsi battue en brèche par le processus de ghettoïsation en cours sans que le réseau associatif subventionné à vocation sociale et culturelle ne parvienne à l’endiguer, par impuissance, par démission ou plus gravement par complaisance à l’égard du radicalisme religieux au nom de l’idéologie du relativisme culturel en vogue dans ce milieu.

Le projet ne répond pas aux besoins des habitants

Puisqu’il s’agit de réaliser de lourds investissements sur fonds publics à la Goutte d’Or, est-il responsable de les consacrer en priorité à la pratique du culte et au rayonnement de la culture religieuse sachant les besoins autrement plus vitaux des populations musulmanes ou non de ce quartier en matière de formation pour favoriser l’intégration et l’accès à l’emploi, de logements décents, de soins et de prévention, de structures de soutien scolaire, d’animation éducative et de loisirs, de formation civique et citoyenne , en un mot de structures et d’équipements qui contribuent à l’émancipation économique, sociale et culturelle et non à l’enfermement proposé ? Ne vaudrait-il pas mieux créer un espace polyvalent et laïque capable de répondre à tous ces besoins qui sont d’une évidence criante ?

Et, plus fondamentalement, n’est ce pas le rôle de l’école et plus généralement du système éducatif républicain que de contribuer à apporter des réponses aux questionnements identitaires légitimes des enfants issus de cultures plurielles par la valorisation des savoirs scientifiques, culturels et par des démarches d’aide à la compréhension des phénomènes religieux.

Il faut bien convenir pour toutes ces raisons que, contrairement au lieu commun largement répandu, la Goutte d’Or n’a pas spontanément vocation à être le lieu idéal de déploiement de structures relevant du culte et de la religion. Les habitants de ce quartier les ont-elles jamais réclamées ?

Assurément non et, s’agissant du projet d’implantation par la Mairie de Paris d’un Centre des cultures Musulmanes, il faut constater qu’aucune enquête publique n’a diagnostiqué chez les populations concernées le besoin local d’un tel projet.

Si, d’ailleurs une telle enquête venait à être entreprise comment fera-t-on pour comptabiliser les habitants musulmans sachant l’impossibilité légale de dénombrer une population en raison de son appartenance religieuse (Cnil) ?

Force est de constater donc que le projet se soucie peu des besoins réels des habitants de la Goutte d’Or. Il en instrumentalise la composante d’origine musulmane pour justifier l’implantation d’un complexe à vocation religieuse destiné à l’ensemble des parisiens et franciliens à qui il propose des activités universitaires, culturelles et cultuelles.

Autant d’activités qui correspondent à des publics différents qui seront alors drainés vers le quartier ajoutant aux inextricables problèmes de circulation, de parking, de surpopulation, d’encombrement etc.

L’ampleur du projet est de toute évidence surdimensionnée par rapport aux possibilités d’accueil de ses deux lieux d’implantation, rue Polonceau et rue Stephenson.

Il y lieu, dans ces conditions, de douter fortement de la sincérité des objectifs affichés par la Mairie de Paris d’œuvrer « à la reconnaissance d’une identité spirituelle et culturelle », de créer une possibilité réelle « d’offrir à tous les parisiens et franciliens les moyens de se familiariser ou d’approfondir leur relation avec l’Islam » ou de favoriser ainsi « le vivre ensemble et le dialogue entre les citoyens. »
N’est ce pas déjà la vocation de la Grande Mosquée de Paris implantée sur un vaste espace au cœur du cinquième arrondissement ?

Un calcul « sarkoziste » au détriment de la laïcité

La question, se pose alors de savoir quel est véritablement le but de la Ville et des pouvoirs publics à vouloir à tout prix interférer dans l’organisation du culte musulman dans la Capitale.

D’autant que cette forme d’implication est en contradiction avec la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat en vertu de laquelle la République « ne reconnaît et ne salarie aucun culte ».

Veut-on renouveler l’expérience de 1926 lorsque, déjà, l’Etat et la Ville de Paris avaient financés sur fonds publics l’édification de « l’Institut Musulman de la Mosquée de Paris » qui fut confié à des dignitaires musulmans partisans de la politique coloniale de la France.

Plus qu’un lieu de culte pour les musulmans, La Grande mosquée de Paris était alors instrumentalisée à des fins de politique étrangère au grand dam des milieux nationalistes Maghrébins qui avaient clamés leur hostilité au projet.

Si tant est qu’il s’agisse, aujourd’hui, de promouvoir un Islam de France, comment les promoteurs du projet de Centre des Cultures Musulmanes vont-ils le préserver de la dérive intégriste ?

Les lieux de culte installés partout ailleurs ne sont-ils pas investis dans la plupart des cas par un islamisme militant qui en fait le centre de son déploiement sur les quartiers des grandes villes et sur les banlieues ?

N’est-il pas, à cet égard, inquiétant d’observer comment l’institutionnalisation du culte musulman par le Ministère de l’Intérieur a conduit, à travers la création du Conseil Français du Culte Musulman, à confier la gestion et la représentation d’un prétendu Islam de France aux tenants du radicalisme et du communautarisme religieux ?

Cette évolution renforce la main mise des groupes intégristes sur les quartiers populaires. Elle est préjudiciable avant tout aux très nombreux Français d’origine Maghrébine, laïques ou même pratiquants qui ne se reconnaissent pas dans le discours religieux et à fortiori intégriste de leurs prétendus représentants.

Le rôle des pouvoirs publics n’est-il pas de contrecarrer une telle évolution au lieu de chercher à la favoriser ?
La sauvegarde des fondements républicains et laïques de la citoyenneté le commanderait. Sauf à céder à la tentation, bien présente chez nombre d’hommes politiques, d’opter pour une stratégie consistant à sous traiter à des associations islamistes la gestion communautariste des quartiers populaires, considérant la religion comme la réponse aux problèmes socioculturels et identitaires des population concernées.

L’installation d‘infrastructures matérielles confortables et adaptées à l’activité religieuse prend alors tout son sens car il s’agit avant tout d’un investissement politique qui présente un double avantage.

Le premier est de parvenir à exercer un contrôle social et politique des cités et quartiers ghettos par l’entremise d’un réseau associatif à vocation cultuelle chargé de l’encadrement politique et idéologique de la jeunesse déshéritée des quartiers. Les imams y deviendraient les gardiens de l’ordre social et religieux.

Le second avantage, à visée cyniquement électoraliste, est de pouvoir mobiliser les relais associatifs, intéressés, pour capter les suffrages communautaires de certains français musulmans qui peuvent être déterminants dans les compétions électorales à tous les niveaux.

Le projet d’implantation d’un Centre des Cultures Musulmanes dans notre quartier semble s’inscrire dans cette perspective. Sa livraison est prévue pour 2010, mais il devrait dores et déjà prendre la forme d’un centre de « préfiguration » qui sera installé, dès septembre 2006, dans les baraquements inadaptés situés au 23 rue Léon.

Ces baraquements étaient initialement destinés à être détruits et remplacés par des logements sociaux.

Mais l’empressement de la Mairie de Paris à concrétiser ce projet avant les futures et imminentes échéances électorales a manifestement prévalu.

26.11.06

INSTITUT DES CULTURES MUSULMANES
Contribution au débat

Chère voisine,
Merci pour votre participation à la réflexion suscitée par le projet de création d’un Institut des cultures musulmanes dans le quartier.
Votre réaction appelle des remarques sur de nombreux points.
Nous avons seulement retenu les suivants

1- Pourquoi la Mairie veut installer une mosquée à la Goutte d’Or ?
Le projet d’ICM consiste bien en en une mosquée, comme vous le dites, et son initiateur Hamou Bouakaz, conseiller du Maire de Paris pour les affaires du Culte, l’envisage bien comme tel dans touts ses interventions publiques ( Nouvel Obs sept 2006). S’il est peu précis sur les activités culturelles de ce centre, évoquées sans doute essentiellement pour justifier son financement au regard de la loi, il est plus prolixe en matière de culte puisque il dit clairement que chaque bâtiment consacrera mille mètres carrés, soit la moitié de sa superficie, à l’accomplissement de la prière.
Cela va-t-il changer les conditions actuelles déplorables de son accomplissement comme vous semblez le penser ? Il y a lieu d’en douter fortement sachant qu’il sera quasiment impossible au centre envisagé de faire beaucoup mieux que les deux mosquées actuelles, celle de la rue des Poissonniers et celle de la rue Myrha, de capacités semblables (huit cent mètres carrés au sol chacune) et qui reçoivent au total près de quatre mille fidèles chaque vendredi. Ces deux lieux de culte suffiraient, sans doute, largement aux besoins cultuels des seuls pratiquants du quartier, si ne se rajoutaient des centaines de fidèles venant d’autres quartiers ou de la Banlieue pour y accomplir la prière.
Chaque mosquée accueille des fidèles selon divers critères d’affinité ayant trait à la sensibilité religieuse, à l’obédience politique, à la nationalité d’origine, au lieu d’implantation, etc .

Cet afflux fait que plus de la moitié des pratiquants se retrouvent à prier dans la rue.
La responsabilité en incombe d’abord aux pouvoirs publics, plus précisément au ministère de l’intérieur, qui autorise complaisamment l’occupation de l’espace public par ces mosquées. Elle incombe également aux gérants de ces établissements qui, pour des raisons pas toujours désintéressées, laissent se perpétuer une pratique peu valorisante pour l’Islam et ses fidèles.
Vous conviendrez que dans ces conditions, l’amélioration de la pratique du culte sur le quartier demande une prise en charge sérieuse du problème.
Cela implique un changement radical des comportements de la part des acteurs concernés.
D’abord des pouvoirs publics qui doivent, en la matière, s’en tenir à l’application de la loi et au respect des droits et des devoirs qui régissent l’exercice de tous les cultes. Leurs initiatives spécifiques dans ce domaine n’ont jamais véritablement profité à la cause qu’elles prétendaient servir.
Des gestionnaires de mosquées également, à qui incombe la responsabilité de veiller à réunir les conditions minimales indispensables à un exercice digne de la pratique du culte.
Des concernés eux-mêmes enfin, les croyants, qui doivent refuser d’accomplir la prière dans des conditions misérables qui leur sont faites. N’est-ce pas, traditionnellement, aux fidèles de se donner les lieux de culte qui leur conviennent ?
Qu’il faille remédier à la situation actuelle est une évidence.
Mais est-ce à la Mairie de Paris de suppléer aux manquements aux conditions de l’exercice du culte sur le quartier? Et si oui, est-ce en implantant une mosquée à vocation francilienne, de capacité sous dimensionnée par rapport à la fréquentation actuelle, dans un quartier fortement encombré et aux rues constamment saturées que l’on espère parvenir à régler le problème ?
Vous serez sans doute d’accord pour penser que les dix millions d’euros de fonds publics investis dans le projet seraient-il mieux employés à financer un établissement mieux adapté, dans un endroit spacieux, ouvert et accessible.

2- A propos des influences qui s’exercent sur l’Islam dans le quartier.

Précisons d’abord que pour justifier son projet sur la Goutte d’Or la Mairie de Paris fait référence à la présence historique des immigrés maghrébins dans le quartier.
Vous reconnaissez sans doute là, le lieu commun habituel réduisant systématiquement l’immigré maghrébin à sa prétendue identité religieuse. L’argument est fallacieux car, contre toute évidence, les maghrébins qui ont effectivement vécus en nombre dans ce quartier n’ont à aucun moment, depuis le début du siècle jusque dans les années 1980, manifesté leur appartenance confessionnelle ou réclamé et initié le moindre lieu de culte.
Il est vrai que le développement de l’immigration familiale, depuis cette époque, avec l’installation et la sédentarisation dans le quartier de familles venues rejoindre le père travailleur a quelque peu modifié la donne. Avec le temps, il s’est développé au sein de ces populations et de leur progéniture le besoin légitime d’affirmer leur place au sein de la collectivité et de faire connaître et reconnaître les éléments constitutifs de leurs identités d’origine. Que l’Islam en soit le substrat n’est en rien surprenant s’agissant de populations originaires de pays à sensibilité musulmane. Mais cette affirmation identitaire initiale ne reposait nullement sur l’appartenance confessionnelle. Elle était citoyenne et laïque.

Rappelez-vous qu’au cours des années 1980, elle était portée par les mouvements de jeunes issus de l’immigration qui revendiquaient pour eux et leurs familles l’égalité citoyenne et la reconnaissance de leur différence conçue comme la liberté d’exprimer et de valoriser leurs spécificités culturelles, artistiques, linguistiques dans l’espace publique français. Il y avait là une volonté d’affirmation de soi dans une démarche d’ouverture aux autres et d’intégration à la société d’accueil.
Cette revendication à donné lieu à de grandes mobilisations politiques de jeunes (marche des « Beurs » pour l’égalité), à de puissants mouvements sociaux (grèves de travailleurs immigrés dans l’automobile notamment) et à l’émergence de l’expression culturelle maghrébine sur la scène publique.
Mais ce mouvement d’affirmation et d’émancipation a trouvé ses limites dans les multiples obstacles dressés sur le chemin de l’intégration économique et sociale de la jeunesse issue de l’immigration.
Avec le temps et les désillusions la revendication identitaire initiale va peu à peu être détournée vers l’affirmation d’une identité islamique. L’appartenance religieuse et communautaire apparaît alors comme un thème majeur de mobilisation pour revendiquer une place dans la société française.

L’Islam devient un enjeu politique et idéologique au sein de la société française.
Cette évolution est portée par diverses instances intéressées. Qu’il s’agisse d’associations cultuelles locales plus ou moins liées à des mouvements piétistes de réislamisation des immigrés type « jama’at al tabligh » (société pour la propagation de l’islam), d’associations religieuses liées aux Etats des pays d’origine soucieux d’exercer un contrôle sur leurs ressortissants ( Algérie et Maroc notamment), de groupements d’islamistes militants adeptes d’un intégrisme en plein essor ou enfin d’institution étatiques françaises ou de politiciens locaux attentifs à l’émergence d’un possible vote musulman, tous cherchent à étendre leur influence et à exercer un contrôle politique et religieux sur les populations à sensibilité musulmanes dans les quartiers.

A partir des années 1980, deux évènements vont se conjuguer pour favoriser la propagation de l’islam en France.
Il s’agit en premier lieu de l’afflux massif de financements en provenance des pays arabes du Golfe et plus particulièrement d’Arabie Saoudite. Ces fonds sont dispensés directement par le Royaume ou par l’intermédiaire du bureau parisien de la Ligue Islamique Mondiale, d’obédience saoudienne qui est chargée d’aider les associations islamiques à acquérir la propriété de locaux et à implanter des mosquées dans les quarter à forte présence d’immigrés.
Il en est résulté un accroissement très rapide du nombre de mosquées et de salles de prière en France. Plus d’un millier d’entre elles ont été aménagées entre 1980 et 1985 dont la mosquée « EI Feth », rue Polonceau à la Goutte d’Or financée par des fonds saoudiens.
Vous noterez, en passant, que ces financements n’ont généralement donné lieu qu’à des édifices peu adaptés de même type que ceux que vous connaissez dans notre quartier.

Le second évènement majeur est le renversement du pouvoir du Chah par la révolution iranienne. Cet événement a joué un rôle d’accélérateur de l’affirmation de l’identité islamique en suscitant parmi les populations immigrées un élan de sympathie à l’égard de cette révolution islamique qui est apparue, un moment, comme une alternative possible aux régimes dictatoriaux au pouvoir dans tous les pays arabo-musulmans.
Cette rencontre des dollars saoudiens et du prestige des ayatollahs iraniens a créé, par delà les divergences doctrinales entre wahabisme et schiisme, les conditions matérielles et idéologiques qui ont présidé à l’avènement de l’islam sur la scène publique française.

3 - Les différents types d’opposition à ce projet de la Mairie.
Le projet de centre des cultures musulmanes envisage d’intégrer la mosquée de la rue Polonceau et celle de la rue Myrha. Il sera réparti sur deux sites, l’un rue Polonceau et l’autre à l’angle de la rue Stephenson et Doudeauville.

La première opposition vient des habitants qui ont une bonne connaissance des difficultés du quartier et notamment les problèmes d’encombrement et de stationnement, sans oublier la surcharge du métro certains jours de la semaine.
Le centre des cultures musulmanes étant présenté comme ayant vocation d’accueillir les habitants de toute l’Ile-de-France beaucoup de résidents du quartier se sont alarmés quand ils ont découvert le projet. Parmi eux, on peut penser, que la plupart ne sont pas opposés à un lieu de culte musulman

La seconde opposition vient de personnes d’origine musulmane, arrivées avec les différentes vagues d’immigration, qui se sont installées dans le quartier et qui aspirent à y mener leur vie en tant que citoyen en dehors de toute allégeance communautaire, ethnique ou religieuse. Les chiffres au niveau national confirment cette tendance puisque 73% des immigrés interrogés se prononcent en faveur des valeurs républicaines notamment de la laïcité.
Parmi ce groupe de personne beaucoup ont gardé un contact étroit avec leur pays d’origine. Ils sont attentifs à ce qui s’y passe quand ils y retournent ou par les contacts familiaux qu’ils y ont gardés. Ils sont généralement très sensibles aux signes et aux pressions diverses qui peuvent se manifester sur le quartier. Certains sont déjà partis, inquiets de la montée du communautarisme religieux et de l’intégrisme qui s’est développé depuis les années 90. D’autres partiront, si les espaces religieux continuent, dans ces conditions, à être concentrés sur ce quartier.

Le troisième type d’opposition vient des gens qui restent très attaché au principe même de laïcité et qui considèrent que c’est un garde fou indispensable contre tous les intégrismes actuels et à venir. Ce garde fou est d’autant plus indispensable qu’au prétexte de « moderniser » on voit, chez nombre de nos politiques, la tentation de s’appuyer sur les différents communautarismes religieux. En un mot la laïcité reste le concept clef pour vivre ensemble sur ce quartier.
La quatrième opposition vient du recteur de la mosquée rue Myrha qui refuse catégoriquement de déménager sa mosquée pour intégrer le futur centre sur le site de la rue Stéphenson Doudeauville. Il estime qu’il s’agit d’une main mise de la Ville sur les affaires du culte musulman et que les musulmans sont des adultes qui peuvent les gérer eux-mêmes. Le mufti de Marseille ne dit pas autre chose quand il pense que les musulmans peuvent financer leurs locaux en particulier grâce à la « redevance » des boucheries hallales.

Ces quatre types d’opposition au projet se recoupent bien évidemment. Nous ne parlons pas ici de l’opposition raciste d’extrême droite qui doit cependant être prise très au sérieux car elle risque de trouver à l’occasion de ce projet du grain à moudre pour sa propagande

Nous nous arrêterons là pour le moment, restant bien entendu disponibles et attentifs à vos éventuels commentaires.

Le collectif Goutte d’Or Château Rouge